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Quand les portes du métro new-yorkais ferment, c’est un peu comme quand on scelle le couvercle d’une cocotte-minute. Les passagers, comme les aliments, sont mis sous pression. Une cuisson express qui ne réussit pas à tous les coups. Surtout que dans le métro, les passagers, contrairement aux ingrédients, n’ont pas été choisis au préalable !

Les portes claquent, le couvercle se rabat, la cocotte-minute se met à siffler, les rames du métro se mettent en branle.

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Voyage à l’intérieur de cette drôle de cocotte-minute

À chaque voyage à New York, lors de ma première descente dans ses sous-terrains, je ne peux m’empêcher de penser à une certaine NKM (Nathalie Kosciusko-Morizet). C’est elle qui décrivait le métro parisien comme « un lieu de charme à la fois anonyme et familier » où l’on peut vivre de véritables « moments de grâce ». Et vous savez quoi ? Je pourrais presque reprendre ses propos à mon compte à quelques différences près : je pense sincèrement (oui, je mets la sincérité de NKM en doute) que le métro est un endroit fascinant et que j’utilise de toute évidence beaucoup plus ce moyen de transport que l’ancienne Ministre (qui, au mois de mai 2015, ne connaissait toujours pas le prix d’un ticket de métro à Paris).

Peu importe. Descendre dans les entrailles new-yorkaises, c’est plonger dans un monde qui échappe aux codes en vigueur à la surface de la terre.

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Si tu meurs ce soir, où est-ce que tu iras ? Au paradis ou en enfer ?

Bonne question. Mais je n’ai pas envie de me la poser. Pourtant, cet homme a retenu mon attention. Figé, stoïque, impassible, il se dresse face à la foule qui veut le happer pour l’intégrer dans ses rangs, pour qu’il se fonde dans cette masse qui semble ne pouvoir aller que dans UNE direction.

Et si je faisais demi-tour ?

Non. C’est comme ça. Paradis ou enfer, il faut bien arriver à destination. Pourtant, certains vont à contre-courant. Ils parlent tout seuls, ils marchent pieds nus, ils titubent, enivrés ou drogués. La folie aurait-elle élu domicile dans les bas-fonds new-yorkais ? Comme une éponge, je suis perméable à toutes ces énergies contradictoires.

Qui est le plus fou ? Celui qui avance ou celui qui recule ?

Le réseau de métro de New York est l’un des plus importants au monde

Les gens se croisent et s’évitent. À New York, plus de 5 millions de voyageurs prennent le métro chaque jour. Il fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

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Dans la station en bas de chez moi, comme dans presque toutes les stations, du carrelage, des bancs en bois et d’immenses galeries souterraines.

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Après de longues minutes d’attente, le métro fait son apparition. Les portes s’ouvrent et nous nous engouffrons à l’intérieur de la rame.

Entre Brooklyn et Manhattan

Les millions d’usagers se transforment tout à coup en une poignée de personnes. Quand les portes se referment, c’est un panel de notre société imparfaite qui se retrouve confiné au même endroit, au même moment, pour le même voyage.

Il n’y a plus d’échappatoire. Ceux qui s’évitaient quelques minutes plus tôt se retrouvent face à face, côte à côte. Il y a ceux qui se lovent dans leur bulle avec leurs écouteurs vissés dans les oreilles. Il y a ceux qui s’échappent dans leurs pensées, il y a ceux qui s’octroient un moment de repos, il y a ceux qui fixent leurs pieds avec une force déroutante. Il y a les autres, comme moi, qui n’arrivent pas à faire abstraction du monde qui les entoure. J’observe, j’écoute, je ressens, je souris (trop parfois). Nous sommes tous dans le même bateau ou plutôt dans la même rame de métro.

Combien de sourires sont échangés ? Combien de regards se croisent ? Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que les styles vestimentaires les plus originaux se succèdent.

Un homme en chausson, une femme toute de laine vêtue, un homme emmitouflé dans une tenue de camouflage matelassé, c’est un défilé permanent de créatures modesques et d’UVNI (Usager Voyageant Non Identifié).

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Dans un premier temps, j’avais opté pour un rectangle noir pour préserver l’anonymat de mes fashionistas. Comme ces personnes n’ont pas de soucis avec la justice, j’ai préféré remplacer les rectangles par des petits animaux colorés.

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Ne sont-ils pas trognons ?

Le coup de la panne

Voilà pourquoi je n’arrive pas à sortir le livre qui est dans mon sac. Le spectacle est permanent.

Même (surtout) un dimanche à 5 heures du matin. Je rentre d’une soirée (un rien alcoolisée) et je privilégie les transports en commun. Mauvaise idée (pourquoi ne suis-je pas rentré avec ce bon vieux Über ?). Mon métro tombe en panne et reste bloqué entre deux stations pendant plus d’une heure et sans éclairage.

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C’est alors qu’une scène surréaliste commence. Deux amies, complètement ivres, se crêpent le chignon. L’une d’entre elle éclate en sanglot et l’autre l’engueule :

« Tu n’as pas le droit de pleurer, tu as tout pour être heureuse. Moi, je n’ai rien… »

C’est avec fracas et avec la grandiloquence d’une personne complètement bourrée que cette jeune fille s’en prend à son amie à très haute voix pour que nous puissions tous en profiter. Un homme qui se présente comme un magicien, spécialiste du vaudou, vient compléter le tableau déjà bien chargé. Il va invoquer la paix pendant plusieurs minutes au milieu de ces cris hystériques avant de réussir à l’instaurer. Les trois protagonistes de l’histoire, les deux amies et le magicien, fondent en larmes et s’enlacent devant un public ahuri mais captivé !

L’électricité revient, le métro repart…

La cocotte-minute n’a pas explosé !

C’est pour cela que j’aime le métro new-yorkais encore plus qu’un bon plat mijoté. Parce que sans connaître les ingrédients de départ, le résultat est toujours surprenant ! Parce que le mélange de toutes ces énergies, de toutes ces joies, de toutes ces peines, de tous ces malheurs, de tous ces bonheurs, de toutes ces croyances, de toutes ces cultures, de toute cette créativité, de toute cette folie est une recette propre au subway de New York que vous ne retrouverez nulle part ailleurs.

Vous éprouvez comme un besoin de refaire surface ? Partons profiter des derniers rayons du soleil lors d’une promenade à Central Park.